Le calendrier tibétain
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UN PEU D'HISTOIRE : Commençons par une brève chronologie de la civilisation tibétaine et du Tibet.
Deux mots sur le bouddhisme tibétain que je vais emprunter à Encarta : "Le bouddhisme tibétain a hérité du bouddhisme
tantrique Mahayana autrefois pratiqué en Inde, ainsi que de certaines croyances et pratiques propres à la
région himalayenne. La religion bouddhiste est introduite au Tibet au VIIIe siècle apr. J.-C. par le
maître indien Padmasambhava (v. 717-v. 762), qui fonde le premier temple bouddhiste à Samyé et
consacre les premiers moines. Le bouddhisme se développe alors rapidement. Son essor est un moment contrarié
par les persécutions du roi Langdarma, qui règne de 838 à 842, mais reprend par la suite.
« bouddhisme tibétain », Encyclopédie Microsoft® Encarta® 2000. © 1993-1999 Microsoft Corporation. Tous droits réservés. LES CALENDRIERS : Au Tibet, calendrier, astrologie et religion sont intimement mêlés. Nous allons essayer, dans cette étude, de nous en tenir au calendrier en oubliant tout son aspect astrologie dont je serais bien incapable de parler. Il existe, en fait, deux calendriers au Tibet : 1) Le calendrier Phukluk qui fut créé en 1447 par l'astrologue Phukpa Lhundrub Gyatso et développé dans un ouvrage astrologique : "les enseignements oraux de Pundarika" (pad dkar zhal lung). Ce calendrier est considéré comme étant le calendrier officiel tibétain. Il est utilisé par la majorité des Tibétains. 2 ) Le calendrier Tsurluk qui fut créé par le troisième Karmapa Rangjung Dorje (1284-1339) dans son ouvrage "Compendium d'astrologie" (rtsis kun bsdus pa). Note : karmapa est une branche de l'école des Kargyupa (ou Kagyupa) dont le monastère principal est Tsurphu près de Lhassa. Cette école est aussi connue sous le nom des bonnets noirs. Ce calendrier est celui de Karma Kagyu qui est un "sous-groupe" de la communauté religieuse Kagyupas. Il semble que ces deux calendriers ne diffèrent (du strict point de vue calendrier hormis tout aspect astrologique) que par la date de début de l'année. J'avoue que je ne sais pas exactement par quel mécanisme. Je suppose que c'est par le mode d'intercalation de mois complémentaires. Merci de me contacter si vous avez une explication. Penchons nous de près sur le calendrier Phukluk et essayons de voir comment il est constitué. Pour ce faire, je vous propose de procéder chronologiquement. Nous allons ainsi constater que la "recette" de constitution du calendrier tibétain peut se résumer par : "un fond de kalacakra (kalachakra) relevé d'un brin de symbolisme chinois". A) Un fond de kalacakra Ouvrons une parenthèse pour définir ce kalacakra ou, plus pécisement, kalacakra tantra. Comme son nom l'indique, kalacakra tantra est un des textes religieux du tantrisme. Son nom exact serait Kalacakra Laghutantra qui est la forme abrégée d'un texte plus long, Kalacakra Mulatantra. Kalacakra Mulatantra aurait été enseigné par le Buddha lui-même au grand stupa de Dhanyakataka en Inde. Ce texte de 12 000 lignes aurait été commenté et transcrit par le roi Sucandra de Shambhala. Plus tard, un autre roi de Shambhala, Yashas aurait écrit une forme abrégée, le Kalacakra Laghutantra, de 3/4 plus court. Un autre roi, Pundarika, écrivit un commentaire du Kalacakra Laghutantra connu sous le nom de Vimalaprabha. C'est en 1027 que ces textes sont traduits du Sanskrit original vers le Tibétain et sont introduits au Tibet. Kalacakra est divisée en cinq chapitres. Le premier chapitre traite du "Kalacakra extérieur" : le monde physique, en particulier le système de calcul du calendrier et son aspect astrologique.
Quels sont les éléments de ce que nous allons appeler le "calendrier kalacakra" utilisés dans le calendrier tibétain ? 1) D'abord, son principe luni-solaire : douze mois de 30 jours lunaires avec, pour compenser le décalage avec l'année solaire, un treizième mois lunaire (Da shol) certaines années (tous les 32 mois environ). 2) Les mois débutent le jour de la nouvelle lune et se poursuivent jusqu'à la nouvelle lune suivante. Pour être plus précis, le premier jour de chaque mois est le jour au cours duquel la lune se couche pour la première fois après l'heure de la nouvelle lune. Bien entendu, le coucher de la lune varie suivant l'endroit de la Terre où se situe l'observateur. Le lieu de référence du calendrier officiel tibétain est la ville de DHARAMSALA (voir plus haut). Pour les fanas de création ou de conversion de calendriers, les coordonnées sont les suivantes : longitude 76°19'0E (76,3167) ; latitude 32°13'0N (32,2167) ; altitude 1456 m. 3) Les mois complémentaires : comme dans le calendrier chinois, le soleil est supposé passer d'un signe du zodiaque au suivant durant un mois lunaire. S'il ne le fait pas, le mois lunaire sera considéré comme étant un mois complémentaire (Da shol) et aura les mêmes caractéristiques que le mois qu'il "double". 4) Le jour solaire (jour civil) commence au lever du soleil et se poursuit jusqu'au lever du soleil suivant. Comme dans beaucoup de calendriers (voir étude sur la semaine) , ces jours portent les noms des sept "planètes" : Soleil, Lune... 5) Le jour lunaire : contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas la trentième partie du temps écoulé entre deux nouvelles lunes. C'est le temps qu'il faut pour que l'angle entre la lune et le soleil augmente de 12 degrés. Le calendrier tibétain indique, pour chaque mois, le rang du jour lunaire. Et comme un jour lunaire moyen est approximativement égal à 0,984 jour solaire, ce qui doit arriver arrive : la fin (prise comme référence) de deux jours lunaires peut tomber dans le même jour solaire. Dans ce cas, ou "oublie" le rang du deuxième jour lunaire. Ce jour "oublié" est appelé tsi chad-pa. A contrario, il se peut qu'il n'y ait pas de fin de jour lunaire dans un jour solaire. Dans ce cas, le rang du jour lunaire précédent est "doublé". le second jour est appelé tsi lhag-pa. Ainsi, dans le calendrier tibétain, les numéros du jour des mois ne se suivent pas forcement. Prenons, par exemple, le premier mois de l'année 2130 du calendrier tibétain (mars-avril 2003) :
Notons au passage que l'an 1 du calendrier tibétain correspond à l'année 127 av. J.-C. de notre calendrier. Cette année 127 av. J.-C. correspond à l'accès au trône du premier roi tibétain Nyatri Tsenpo. 6) Losar (ou Lhosar), le nouvel an tibétain. Nous allons toucher là à un des points les plus obscurs du calendrier tibétain et du calendrier kalacakra qui est de déterminer le début de l'année. Plusieurs hypothèses sont avancées : - la première est que Losar (jour de l'an du calendrier tibétain officiel) tomberait le jour de la nouvelle lune du mois de février (ou mars si l'année précédente comporte un mois complémentaire). Cette constatation, même si elle paraît vraie, ne me satisfait pas parce qu'elle fait référence au calendrier grégorien. - la seconde est que Losar tomberait le jour de la nouvelle lune qui précède l'équinoxe de printemps. Si quelqu'un veut se lancer dans les calculs pour la vérifier, qu'il me fasse signe !! - la troisième est que le nouvel an du calendrier kalacakra se situe le troisième mois du calendrier tibétain. Il suffirait donc de positionner le nouvel an kalacakra et de remonter deux mois lunaires pour connaître la position de Losar. Le problème est que, contrairement aux "préconisations" du kalacakra et des commentaires de Vimalaprabha, les Tibétains ont adopté le système de zodiaque sidéral au lieu de celui du zodiaque tropical (voir la page astronomie) et que leur calendrier utilise maintenant, faute de modifications correctes, une position du soleil par rapport au zodiaque (tropical ou sidéral) qui ne veut plus dire grand chose.
B) Un brin de symbolisme chinois Le système animaux-éléments que nous avons déjà vu dans le calendrier chinois existe aussi dans le calendrier tibétain. Le système des "animaux" existe depuis le milieu du VII ème siècle sous l'influence des maîtres spirituels de la princesse chinoise qui épousa le roi Songtsen Gampo. Ce système constitue naturellement un cycle duodénaire de 12 animaux que nous allons retrouver aussi bien dans les années que dans les mois, jours et heures. Les douze animaux en question sont successivement et dans l'ordre : le Lièvre (Yö), le Dragon (Drouk), le Serpent (Trül), le Cheval (Ta), le Mouton (Loug), le Singe (Tré),lOiseau (Tcha), le Chien (Khyi), le Cochon (Pak), la Souris (Tchi), le Boeuf (Lang), le Tigre (Tak). C'est au X ème siècle que l'on voit apparaître dans le calendrier, sous l'influence des adeptes du kalacakra, les cinq éléments (djoungwa) : le Bois (shing), le Feu (mé), la Terre (sa), le Métal (tchak) ou Fer, et lEau (tchou). La combinaison animal-élément va nous amener, comme dans le calendrier chinois, à un cycle sexagésimal appelé Rab-byung qui débute par le couple feu-lapin (contrairement au bois-rat du calendrier chinois). L'année 2003 de notre calendrier correspond à la 17 ème année du Rab-byung 17 qui a commencé en 1987. C'est l'année de la "chèvre d'eau". L'an un du premier Rab-byung correspond à l'année 1027 de notre calendrier. Cette année 1027 correspond à la date de traduction du kalacakra en langue tibétaine. Dressons un tableau du dernier Rab-byung :
Les mois vont obéir au même système de rotation de la manière suivante :
Pour en terminer avec cette étude du calendrier tibétain, et à l'intention de ceux qui voudraient se lancer dans la conception d'un tel calendrier ou dans la conversion gregorien-tibétain, je vais citer une phrase (traduite par mes soins) de Tsipon Shuguba auteur de "In the Presence of my Enemies" : "Vers la fin de chaque année, un nouveau calendrier est préparé par les Astrologues du pays. Par conséquent, personne ne peut connaître ce que sera la nouvelle année avant qu'elle ne commence" Cette phrase concerne surtout les jours de fêtes mais,
comme astrologie et calendrier sont intimement liés, il arrive aux astrologues d'enlever des jours
"néfastes" pour doubler quelques jours "fastes".
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