retour retour page d'accueil
jardin potager, ici des oignons parmi les fleurs Le représentant des brokpas auprès des autorités fillette de Dah séchage des tomates sur les toits
 
Découverte des paysages et des villages
Ce qu'en disent les ethnologues.
Les coiffes, les jardins, l'école, les tabous.
Les préparatifs, la fête.
T
I
T
R
E
S
Les Brogpas qui parlent ladakhi.
une enclave musulmane au bord de l'Indus
Les villages brokpas dépendant de Kargil.
 

LE VOYAGE VERS LES DARDES BROKPAS DE DAH

A la sortie de Khaltse (écrit khar-tse en ladakhi), on laisse la route de Lamayuru à gauche pour continuer à descendre la rive droite des gorges de l'Indus, étroites et escarpées à partir de là. Tout autour, les sommets dépassent 5000 m, mais sans neige ni glacier ni végétation.

L'Indus n'est encore qu'un gros torrent qui se fraie un passage tortueux dans des gorges profondes de rochers et de terre friable. Les rives du fleuve sont des roches et des éboulis sans aucune végétation même au bord de l'eau.

La route sinueuse et étroite a été tracée par l'armée au fond des gorges, un peu au dessus du fleuve. Elle ne traverse aucun village, mais aucun village n'est très loin. Comme attirés par une force irrésistible, les villages qu'aucun relief ne sépare de la route, comme Beema ou Sunnit, s'en rapprochent rapidement, chaque maison nouvelle étant bâtie à chaque fois plus près de la route.


Dah a été ouvert aux étrangers depuis peu. La vallée est dans l'ombre depuis longtemps quand le bus quotidien stoppe au milieu de la route vers 19h, après 10h de voyage et 156 km depuis Leh. Cette route sert uniquement aux véhicules militaires et à ce bus, car personne ici ne possède une voiture particulière. (Ce n'est plus vrai en 2010.)

Au début, le sentier qui mène au village s'élève dans la butte instable où la route a été taillée. Ensuite il serpente agréablement entre les champs de tomates et de millet bordés d'abricotiers jusqu'au village : un alignement de 27 maisons (pour 27 familles) tantôt serrées, tantôt espacées, le long de la falaise à droite du sentier bordé par un caniveau d'irrigation. A gauche du sentier en léger contrebas, s'étalent les jardins potagers couverts d'autant de fleurs que de légumes.


Le climat
Cette région est la plus basse de tout le Ladakh (entre 2800 et 3000m), ce qui lui assure des températures diurnes agréables jusqu'en novembre. Ensuite, l'hiver du climat continental s'abat sur la région apportant des températures nocturnes pouvant aller jusqu'à -35°C.

Que signifie "dahanu" ?
Dahanu est la contraction de Dah et de Hanu. Les populations brokpas bouddhistes occupent 4 enclaves dans ces gorges de l'Indus. Un groupe s'est fixé dans la vallée de Hanu où il occupe 3 villages; un autre groupe s'est fixé autour de Dah où il occupe 5 villages; le troisième groupe occupe 5 villages près de Garkhun. Un dernier groupe dont on ne sait plus rien est installé dans la vallée de Ganoks dans la partie occupée par le Pakistan, et dans une zone interdite à toute visite.
UNE TRIBU ARYENNE EN INDE

la légende
Les habitants de ces vallées ne ressemblent pas aux autres Ladakhis. Ils disent eux-mêmes qu'ils sont des Aryens, et racontent  l'histoire de leur peuple venant de Gilgit, histoire qu'ils récitent et chantent pendant cinq jours à l'occasion de la fête des moissons au début du mois d'octobre. (lire la légende)

l'isolement géographique
Ces Dardes Brokpas étaient à l'écart des grandes voies caravanières se déployant de part et d'autre de la route de la soie, qui était une sorte de moelle épinière des réseaux d'échanges. La liaison la plus facile entre Yarkand sur la route de la soie et le Cachemire franchissait le Karakoram pass, puis suivait le cours de la Nubra, de la Shayok et de l'Indus. Cette voie rejoignait l'Indus à 200 km en aval de l'habitat actuel des Brokpas. Une autre voie caravanière rejoignait Leh en franchissant un 2ème col dans la chaîne du Ladakh, puis empruntait ce qui est devenu aujourd'hui le trek du Sham et s'écartait de l'Indus vers le sud à 60 km en amont de l'habitat brokpa.

(autres paysages)

La vallée de l'Indus au coeur de la région de Dah. Les branches du premier plan sont à Lastaings, en contre-bas on aperçoit les champs de Beema, et le village au centre de la photo est Sunnit. On devine aussi la route qui remonte vers Khalse et Leh.
la recherche : ethnologues, archéologues et linguistes
Ethnologues, archéologues et linguistes conjuguent leurs efforts pour cerner la vérité sur l'origine des "Aryas". Arya est le nom propre de cette population, aryen est l'adjectif dérivé qui est aujourd'hui utilisé comme nom à la place de Arya.
- lire les dernières conclusions des chercheurs.
- cette étude génétique sur les "Kalash" du Pakistan, que l'on compare souvent aux Dardes de Dah, exclut leur origine grecque.

LA VIE QUOTIDIENNE

les coiffes
Après avoir vu les tipis et les péracs, on pense avoir fait le tour des originalités et des extravagances en matière de coiffes ! Eh bien, non. Il reste à découvrir le "kho" des Brokpas.

Celui des femmes est un gant de feutre simplement posé à plat en travers sur la tête. Plusieurs rangées de perles jaunes et rouges alignées sont cousues dessus. Un large pendentif de chaînettes d'argent est fixé sur le côté gauche; un petit bouquet de fleurs est glissé à l'intérieur du gant sur le côté droit, et les plus grosses sont piquées dans le gant au milieu de la tête. Impossible de passer inaperçu avec ça !
Tous les matins à l'aube, les femmes descendent dans les jardins pour changer les fleurs fanées de leur coiffe, en un concours de coquetterie quotidien.

Celui des hommes est un bonnet rond et plat avec un large rebord qui permet de faire tenir les fleurs plus facilement. Car, les hommes aussi ont la tête couverte de fleurs.
Mais il faut vite aller voir les derniers vestiges de cette tradition. Seuls les plus vieux continuent de porter la coiffe fleurie, la longue natte épaissie de fils de laine de couleur et la grande robe rouge. Plus un seul homme de moins de 40 ans ne porte l'habit traditionnel, même pas le jour de la fête de BonoNah !

(autres coiffes)


les cultures et les fleurs
Un village brokpa en été est un véritable émerveillement ! Les maisons aux toits plats sont serrées contre le rocher sur des emplacements impropres à la culture. Au devant s'étalent les champs de millet, les champs de tomates et les jardins couverts d'autant de fleurs que de légumes. On aperçoit à peine les choux, oignons, navets et pommes de terre au milieu des fleurs.



Grâce à sa faible altitude (entre 2800 et 2900m), la plus basse du Ladakh, le pays des Brokpas possède l'agriculture la plus variée de tout le Ladakh. Outre tous les légumes déjà cités, on y trouve des pommes, des abricots, des pêches et même des raisins.

(autres jardins fleuris)

ajouté en 2006 : au fil des ans, les jardins sont de moins en moins fleuris. Les jeunes femmes ne mettent plus la coiffe fleurie et les plus vieilles se contentent de quelques fleurs séchées. L'enchantement provoqué par toutes ces coiffes couvertes de fleurs multicolores qui circulaient dans les ruelles et dans les jardins n'est plus de mise.
Les maris sont partis gagner l'argent indispensable aujourd'hui pour les besoins nouveaux que crée la société de consommation. Ils se sont engagés dans l'armée ou ont trouvé un petit boulot à Leh, ou bien ils sont guides ou caravaniers l'été, ou encore porteurs pour ravitailler les camps d'altitude sur la frontière avec le Pakistan. Alors, à quoi serviraient les coiffes fleuries, puisqu'il n'y a plus d'homme à séduire ?

l'école
Presque chaque village a une école primaire avec un unique instituteur (ou institutrice) nommé pour 2 ans. Par exemple, en 1998, l'institutrice de Baldès(65 habitants) avait 13 élèves pour l'ensemble des 6 classes primaires; les deux instituteurs de Dah(166habitants) en avait 32. Tous les instituteurs sont des Ladakhis ayant fait leurs études à Leh.

Malheureusement, la disparition de la culture brokpa comme celle de toutes les cultures marginales, va être précipitée par l'école ; un peu par l'école primaire dont l'instituteur est un étranger au groupe, mais dont la fonction en fait un modèle pour les enfants, et beaucoup par l'école secondaire qui oblige les enfants à quitter leur village pour poursuivre leurs études au pensionnat d'un collège de Leh.

Il n'est plus question alors de natte ni de coiffe fleurie ! Chaque école a un uniforme différent et tous les élèves marchent en rang et en tenue. Après plusieurs années de ce régime, ils auront beaucoup de mal à revenir dans leur village sans voiture, sans électricité, sans radio et sans cinéma. Et s'ils y reviennent, ils ne porteront plus le grand manteau de couleur ocre, la longue natte et la coiffe fleurie. Pour eux tout cela sera devenue du folklore. Et le folklore n'est que le souvenir d'une culture éteinte, comme un flacon de parfum vide ! L'habit traditionnel devient alors un déguisement pour amuser les touristes le jour de la fête annuelle. Les Brokpas résistent davantage à cause des cloisonnements internes qu'ils pratiquent.

Ainsi Dah est le centre d'une communauté de cinq villages : Dah, Baldès, Lastaings, Beema et Sunnit. Ils pratiquent un mariage endogame exclusif. Ils ont même tendance à mépriser les Brokpas de la vallée de Hanu parce que ceux-ci ont abandonné la langue brokpa au profit de la langue ladakhi, ils mettent moins de fleurs sur leur coiffe et ne fêtent plus Bonanah.

Ajouté en 2005 : L'école ne se fait plus sous les deux énormes noyers de la place du village. Après les bombardements pakistanais et l'occupation de cette région par les troupes pakistanaises au cours de la guerre de Kargil en 1999, l'école a été reconstruite et dispose de 4 classes en haut du village. L'association "Maison des Himalayas" a financé en son temps la reconstruction d'une classe et a assuré le salaire d'un instituteur brogpa. C'est certainement l'action la plus adaptée pour perpétuer la culture des Dardes Brokpas.
les tabous
Les vaches et les poules sont tabous pour les Brokpas. Au pays de la vache sacrée, cette minorité rejette tout ce qui touche à la vache ! Ils n'ont ni vache, ni boeuf, ni taureau, ni yak, ni dri (femelle de yak), ni dzo (croisement de yak et de vache), ni dzomo (femelle du dzo).

Pourtant, au Ladakh comme au Tibet, le yak est la base de la vie. Il fournit son poil chaud et épais, son lait qui transformé en beurre est indispensable à la préparation du fameux thé salé tibétain, sa force pour le labour et le transport des hommes et des marchandises, ses bouses pour chauffer l'eau du thé et de la soupe dans un pays où il y a très peu de bois, et enfin son cuir et sa viande quand il meurt, car les bouddhistes n'ont pas le droit de tuer, même un animal.

Le tabou de la vache devrait bientôt disparaître avec les nouvelles générations. Déjà, en octobre 1998, il y avait trois vaches à Dah, cachées dans des caves, et plusieurs autres dans un pré dans le hameau perché de Lastaings.
Mais pas une seule poule pour le moment.

Ajout 2005 :Pendant la guerre de Kargil, en 1999, les soldats pakistanais se sont nourris avec les vaches des Brogpas. Deux nouvelles vaches sont apparues, mais 5 ans après des familles n'ont pas encore les moyens de racheter une vache.

(d'autres photos de la vie quotidienne)
LE FESTIVAL DE BONO-NAH

les préparatifs
Au cours des deux jours qui précèdent la fête, on remarque une activité inhabituelle dans le village. L'école n'a plus qu'une dizaine d'élèves, occupés à balayer et laver la place du village. Devant chaque maison, les garçons lavent tous les vêtements de la famille, et les filles nettoient toute la vaisselle. Quelques hommes descendent au torrent remettre en service une turbine à eau qui alimentera une ampoule électrique accrochée au vieux et gros noyer de la place du village.

la fête
La date de la fête n'est pas fixée par un jour du calendrier solaire occidental, ni par un jour du calendrier lunaire tibétain comme toutes les fêtes religieuses du Ladakh, mais après une concertation entre le moine de Dah, ceux du monastère de Skurbuchen et les chefs des villages, en tenant compte des jours néfastes et des jours favorables, et de l'avancement du millet ou d'un problème particulier à un village. Par exemple, en cas de décès dans un village, la fête sera repoussée après la cérémonie funéraire, mais elle aura toujours lieu avant la récolte du millet. Aussi, la date est-elle connue seulement quelques jours à l'avance.

La fête a lieu sur la place du village entre 17h et 21h pendant 5 jours. Le travail se continue normalement dans les champs tout le jour. Le soleil se cache à 15h à Dah ! Les habitants des villages environnants arrivent par petits groupes. Tout commence dans un grand désordre apparent, où pendant 2h, on a l'impression que hommes et femmes, chacun de leur côté, répètent les chants et les danses. Puis, après une pause, les 2 groupes se réunissent, dansent et chantent ensemble, accompagnés par un petit orchestre de trois musiciens. C'est un régal des yeux de voir autant de beaux costumes et de coiffes fleuries.

en savoir plus sur la fête

haut de la page

SANJAK

Sanjak est un village musulman de la rive gauche de l'Indus administrée par Kargil. L'endroit est agréable et couvert de peupliers, de saules et d'abricotiers en si grand nombre qu'on a l'impression d'être dans une forêt.


Vue d'ensemble du village.


En arrivant de Baldès en octobre par le sentier "du haut",
on est accueilli par le magnifique spectacle des peupliers et des saules jaunissants.
Le site saccagé de Skinbrisa   Pétroglyphes de la vallée de l'Indus
Autour de Sanjak, on trouve aussi beaucoup de pétroglyphes comme partout dans la vallée.
Cliquer sur la photo de gauche pour voir le site connu et saccagé de Skinbrisa, et sur la photo de droite pour un autre site sans nom mais intact.

haut de la page

GARKHUN - DARCHIK (en cours)

haut de la page

BATALIK - SILMO (en cours)

haut de la page

BIBLIOGRAPHIE

remarque
 
La seule étude approfondie sur cette population de Dardes est celle de Rohit Vohra.
Elle est disponible au Luxembourg, uniquement en anglais : écrire (en français) à l'adresse donnée ci-dessous.

Patrik Kaplanian donne (en français) des informations intéressantes sur les Dardes musulmans de Dras et de la vallée de Suru. Plusieurs ouvrages d'auteurs anglais, allemands ou italiens traitent des Dardes du nord Pakistan et principalement des Kalashs et des Kafirs.

les livres
ROHIT VOHRA, An Ethnography : The Buddhist Dards of Ladakh, 1989,
Ethnic Unlimited SARL, BP 66, L - 9001 Ettelbruck, Grand Duché de Luxembourg.
ROHIT VOHRA, The religion of the Dards in Ladakh, 1989, Ethnic Unlimited SARL.
PATRIK KAPLANIAN, Les Ladakhis du Cachemire, 1981, Hachette.

autre page :
GUIDE PRATIQUE
le permis
Le permis est un permis collectif délivré par l'intermédiaire d'une agence de voyages. Il coûte 100 à 200 roupies suivant les agences, et il est valable 7 jours.
Penser à faire au moins 2 photocopies du permis pour les check post à l'aller et au retour.
 
le trajet et les check-posts
Pour aller à Dah, un bus part de Leh tous les jours à 9h00, sauf le vendredi. Le check-post est à la sortie de Kaltse.
l'hébergement
Deux familles de Dah ont aménagé leur maison en "guesthouse".  La première guesthouse, Skyabapa guesthouse, a quatre chambres doubles à 400 Rs2012 et deux tentes 2 places en cas d'affluence. La terrasse ombragée par des abricotiers et les treilles des vignes est un endroit qu'il est difficile de quitter quand le soleil envoie ses rayons brûlants.
Une nouvelle guesthouse Makspon Guesthouse s'est ouverte en 2013 dans une grande maison après la place du village, plus confortable et plus chère que Skyabapa : 1000 Rs2013 la double.
A Lastaings, un camp de toile avec des tentes à deux lits est installé à l'entrée du village.
le retour
Le bus passe à Dah entre 8h et 8h30, et à Biama à 9h, sauf le samedi. En septembre et octobre, le bus est surchargé par des dizaines de caisses de tomates qui vont au marché de Leh. Ne rien laisser de fragile dans le sac mis sur le toit du bus !

mise à jour : 10 octobre 2006